Lorsque l’on demande à un étranger de définir ce que lui inspire la culture française, beaucoup de clichés vont être cités : le béret, la baguette, la Tour Eiffel, la gastronomie, le siècle des Lumières, etc. Toutefois, jusqu’à présent, notre culture française n’avait jamais été réellement exploitée au sein d’une œuvre vidéoludique, en dehors que quelques exceptions historiques, contrairement aux USA, au Japon ou même la Chine. Mais cette année est sorti un jeu qui a redéfini le genre du RPG au tour par tour, en y réimaginant ce qui fait briller la France dans le monde entier.

Paris, je vous aime
La première impression que l’on peut avoir lorsque l’on observe les images du jeu, c’est sa direction artistique unique. Tout est là, dans son titre : Clair Obscur. On ressent cette patine du Paris 1900 d’Alphonse Mucha dans les couleurs, dans le grain de l’image et les décors rendant l’ensemble du titre magique et somptueux, même au regard d’un néophyte.
Pour rappel, le clair-obscur, c’est le contraste entre zones claires et zones sombres. En peinture, il suggère le relief en imitant par les valeurs l’effet de la lumière sur les volumes. Et c’est exactement ce que l’on observe sur les plans du jeu.
Et cette technique est non seulement utilisée, mais elle est magnifiée par un délire visuel et fantastique, en revisitant un Paris fantasmagorique de la Belle Epoque, avec une Tour Eiffel penchée, un arc de triomphe coupé en deux, et la ville envahie de toute part par une matière organique inconnue. Et pourtant, cette ville garde son ambiance colorée et fleurie dénotant de l’aspect sombre et post apocalyptique auquel on se serait attendu devant ce spectacle de désolation. C’est ce mariage contraire et déstabilisant qui va définir tout le reste.

“La vie en rose”
Vient ensuite la musique dramatique et enjouée grâce à la voix mélodique d’Alice Duport-Percier. Le compositeur, Lorient Testard, un musicien totalement inconnu, nous offre l’une des plus belles OST digne des plus grands jeux. Et les joueurs ne s’y sont pas trompés. Il suffit de voir le nombre de reprises qui pullulent sur Youtube pour se rendre compte de l’amour de la communauté gaming pour les musiques du jeu. Si Lorient prends son inspiration chez les plus grands compositeurs de JRPG tel que Nobuo Uematsu ou Kōichi Sugiyama, on y perçoit tout de même des touches européennes et même bien française avec des instruments plus exotiques comme de l’accordéon ou même du slam ! On s’amuse également à imaginer les non francophone à chanter les paroles incompréhensible du titre « Lumière » qui est un mélange entre du français et une langue inconnue.
Bonjour, mon ami !!!
Puis, le joueur découvre des personnages et une histoire qui petit à petit se dévoile. Gustave, Maëlle, Sophie, des noms bien français ne sont que les premiers d’une longue liste de protagonistes ayant une personnalité bien marquée et attachante. La force du titre tient à ces scènes poignantes qui aiment prendre leur temps afin de raconter de manière naturelle une histoire parfois dramatique, parfois plus légère et parfois même plutôt drôle avec notamment Esquié qui aurait rendu fier Voltaire et son Candide. Et le scénario va lentement se dénouer le long des actes, à la manière d’une pièce de théâtre de Molière, avec ses twists narratifs en fin d’acte, ses drames humains et familiaux, et bien sûr ses scènes burlesques dans laquelle les Gestrals y jouent le rôle principal. Il est difficile de croire que l’héritage des œuvres de la littérature française n’ont pas été l’inspiration des personnages du titre tant on peut y faire des parallèles. Et voir les nombreuses réactions à chaque fin d’acte du jeu, il faut croire que la formule continue de faire mouche même aujourd’hui et dans le monde entier.

De la quête du dragon à la fantaisie finale
Enfin, quant au Gameplay, Guillaume Broche, le Directeur artistique du jeu à la tête de la trentaine de développeurs de Sandfall Interactive n’a jamais caché ses inspirations et son amour pour les jeux vidéo japonais dont les mécaniques en sont l’essence. Les combats au tour par tour provenant des premiers Final Fantasy et Dragon Quest et les esquives minutées qui ont fait le succès des Souls like. Mais tout le génie a été de mélanger habilement la stratégie du tour par tour avec le réflexe de l’Action RPG pour en créer un genre complètement nouveau. Cela semble aujourd’hui si évident qu’on se demande pourquoi ne pas l’avoir pensé avant. Là encore, la formule Clair-Obscur brille à merveille en arrivant à mélanger deux mécaniques contraires, mais au final complémentaires. Certains en viennent même à qualifier ce genre de F-RPG en hommage à la French Touch qui transpire du jeu.

Sorry, we are french !
Aujourd’hui avec le recul, on se demande encore comment il a été possible pour un si jeune studio composé d’une trentaine d’employés seulement, tous débutant dans le milieu du jeu vidéo, de sortir un titre si innovant qui bouscule complètement les codes et les joueurs. Clair Obscur : Expedition 33 a prouvé que même dans un secteur en crise, la passion est encore présente et les joueurs répondent massivement à l’appel. L’impact est tel que certaines grandes entreprises réévaluent leur stratégie à l’image de Square Enix qui étudie le retour du tour par tour dans leur futur RPG.
Il est maintenant évident que la culture française possède une richesse encore inexploitée que le monde nous envie et nous réclame. C’est au tour des développeurs français d’y puiser leur inspiration pour continuer à perpétrer l’héritage des nombreux artistes qui nous ont précédés dans les autres arts. La voie est ouverte, reste à l’emprunter sans tomber dans l’excès.




Pour les nombreux parallèle à l’art français, je conseille vivement la brillante analyse de Point n Think qui détaille toutes les inspirations artistique de Clair Obscur : Expedition 33
Pour acheter le jeu vous pouvez l’acheter sur Steam ou sur console


