[Critique] Les Heures Sombres : Gary Oldman, un oscarisé en puissance

Winston Churchill n’en finit pas d’inspirer les cinéastes. Après « Churchill » en 2017, voilà le tour de « Les Heures Sombres », qui évoque son arrivée au poste de Premier ministre de Grande Bretagne alors que l’Allemagne nazie est sur le point d’envahir l’Europe, en mai 1940. Se concentrant sur une période de quelques semaines seulement, ce film offre à Gary Oldman l’occasion de montrer tout son talent d’acteur… quitte à accaparer l’écran pour lui tout seul ?


Dramatiser l’histoire, une mission difficile remplie avec brio

Les Heures Sombres raconte donc un moment charnière de la Seconde Guerre Mondiale, celui de la défaite de l’Europe de l’Ouest face à l’Allemagne nazie alors que l’Angleterre se retrouve seule face à la menace. Tout le propos du film est d’installer un enjeu fort pour une situation dont on connait déjà la conclusion, à la fois sur le destin de Churchill et de l’Angleterre. Cela dit, venant du réalisateur d’Orgueil et Préjugés, Joe Wright, on pouvait légitimement s’attendre à un rythme sans trop de temps mort.

Mission accomplie, puisque le film parvient non seulement à rendre crédible l’idée que le gouvernement anglais puisse négocier une paix avec Hitler, mais aussi à suggérer qu’il devrait peut-être le faire, malgré la compromission morale que cela représenterait.

En ce sens, les personnages d’Halifax et de Neville Chamberlain (qui militent pour en terminer avec le conflit) sont bien travaillés, représentant les antagonistes de Churchill sans pour autant passer pour des lâches. Mais c’est bien ce dernier qui est au cœur de l’intrigue, qui tourne autour de sa détermination politique à ne rien céder face aux nazis.


Gary joue au vieil homme

Avec un maquillage ayant demandé des centaines d’heures, un soin particulier accordé aux mimiques et aux réactions de son personnage (très souvent filmées en gros plan, pour bien faire ressortir ses manies et tocs), Gary Oldman a bénéficié de tous les atouts possibles pour faire étalage de son talent, et bon dieu qu’il en a.

Son Churchill apparaît fatigué, parfois épuisé et frisant le pathétique tout autant qu’il peut s’avérer drôle, taquin et capable d’une grande rouerie politique. Le plus important, il n’apparaît pas infaillible : il est alcoolique, le Roi Georges doute de lui (avec de bonnes raisons, comme le rappelle le film) et son caractère n’est pas toujours très complaisant. Ainsi, bien qu’Oldman semble admiratif de son personnage, lui et Joe Wright n’ont pas voulu faire des Heures sombres un éloge trop outrancier.

les heures sombres

D’où l’intérêt pour Oldman d’avoir des seconds rôles de grande facture, dont le but est de lui renvoyer adroitement la balle sans jamais trop se distinguer, pour rassurer et seconder Churchill. Lily James (sa secrétaire), Ben Mendelsohn (le Roi Georges) et Kristin Scott Thomas (Clemmie, sa femme) remplissent admirablement leur part du contrat avec des dialogues parfois touchants, souvent très drôles, qui sont un autre point fort du film.

Il faut aussi remarquer le montage et la mise en scène très bien pensés, surtout pour illustrer la solitude de Churchill dans ses moments les plus difficiles. Tout est pensé pour mettre en avant Churchill et ses décisions, ainsi que la situation en Angleterre. Si on pourrait d’ailleurs trouver quelques scènes un peu trop élogieuses envers le peuple anglais (comme celle du métro, sans trop en révéler), le résultat est passionnant et promet à Gary Oldman de quoi lui assurer une nomination aux Oscars comme meilleur acteur, en attendant, peut-être, de remporter le prix tant convoité. Bref, si vous aimez les drames historiques, de la tension mais aussi de l’humour et des dialogues bien troussés, Les Heures Sombres devrait vous ravir.