[Livre] « Skyrim : Les parchemins de Tamriel » : Écrire malgré tout

À l’occasion de la sortie de « Skyrim : Les parchemins de Tamriel », Bordel de Nerds a pu interviewer l’auteur et mettre la main sur l’ouvrage. Rencontre avec Franck Extanasié.

Maison d’édition spécialisée dans l’analyse des sagas de jeux sur consoles, Third Editions s’est récemment attelée aux grands titres PC, d’abord avec Half-Life, puis désormais avec un ouvrage dédié au cinquième épisode de la série The Elder Scrolls « Les Parchemins de Tamriel : Skyrim ». Après un succès mondial tant critique que public et 5 ans après sa sortie initiale en 2011, Skyrim s’est vu offrir un remaster qui de nouveau a reçu les honneurs de tous. Aujourd’hui, l’ouvrage retrace point par point son développement, son gameplay, ses thématiques mais fait aussi la part belle à l’univers et au lore très riche de ce jeu pas comme les autres.

Skyrim : Les parchemins de TamrielFranck Extanasié

 

Bordel de Nerds : Peux tu nous expliquer la genèse du projet et comment est venue l’envie d’écrire sur Skyrim ?

Franck Extanasié : La genèse du projet est assez simple. J’ai connu Mehdi (NDLR Mehdi El Kanafi) et Coucou (NDLR Nicolas Courcier), les fondateurs de Third Editions, en 2010, à l’époque où ils tenaient Console Syndrome, un site internet / fanzine ; moi j’avais ouvert quelques mois avant Art of Gaming. À l’époque, ils préparaient un article, j’en parle dans la préface, « qu’est-ce qu’un bon Final Fantasy pour vous ? » Par l’intermédiaire d’un ami commun, ils sont venus me voir. Je leur avais expliqué, par texte, ce qui était pour moi un bon Final Fantasy. On s’est plutôt bien entendu dans les discussions successives qu’on a eu. Et puis on en est restés un peu là, en contact de loin. On a repris vraiment contact en 2012, quand ils sont rentrés chez Pix n’ Love. Et dans nos discussions, ils m’ont demandé si j’aimerais écrire un bouquin et je leur ai dit qu’une seule chose m’intéressait, faire un livre sur Morrowind, parce que c’est mon RPG de cœur. Mais ils ne faisaient que des livres sur des RPG japonais et c’était un RPG occidental. C’est donc devenu un running gag. Dès qu’on se parlait ou se croisait, la blague revenait « À quand le livre sur Morrowind ? » Puis ils ont quitté Pix pour monter Third Editions et m’ont recontacté, non pas pour un livre sur Morrowind, mais pour écrire dans le mook « Level Up ». Puis fin 2014, début 2015, le projet de faire un livre sur The Elder Scrolls s’est fait encore plus précis.

J’ai commencé à travailler avec Corentin Lamy (NDLR Journaliste JV chez Le Monde et fondateur du plus gros site francophone sur Elder Scrolls, la grande bibliothèque de Tamriel), on a fait des plans de livres et on s’est vite aperçu que ce serait un bouquin très volumineux. Puis, entre-temps et la vie faisant, Corentin était très pris et le projet a été plus ou moins mis en stand-by. Mehdi est venu me voir en octobre 2015, me proposant de faire un livre sur Skyrim. J’étais quand même plutôt hésitant, car entre mon travail chez Gamekult, les podcasts et la gestion de Radio Kawa, tout ça me prenait beaucoup de temps. Mais ma mère, qui m’a toujours soutenu pour tous mes projets disant qu’elle ne voulait pas me voir regretter quelque chose, devenir dépressif à 45 ans et avoir l’envie de me tirer une balle, m’a poussé à écrire. Ce qu’on ne savait pas c’est que travailler dans la presse jeux vidéo à 45 ans rend dépressif et donne envie de se tirer une balle (rires). J’ai donc attaqué tout ça de front et ça a été un calvaire.

 

BDN : Justement, raconte-nous comment s’est passé l’écriture de ce livre sur Skyrim ?

F.E : De novembre à février 2016, j’ai fait beaucoup de recherches sur l’univers des Elder Scrolls. Mais le corps global du livre était déjà prêt depuis octobre ou novembre 2015. En Mars 2016, jonglant entre l’écriture du livre et des soluces pour Gamekult, j’ai attrapé une grippe carabinée, j’ai été malade trois semaines. J’ai jamais été autant malade de ma vie. Pour l’anecdote, je me suis nourri de soupe à la tomate, de petits pains et de Jack Daniels (rires) pendant trois semaines, car il n’y avait rien d’autre qui passait. Donc j’ai du mettre le livre en pause de mars à juillet. Et là, je me suis tapé une infection de la mâchoire. Le médecin a foiré son diagnostic, ne m’a pas filé assez d’antibiotiques et rebelote, j’ai fait une surinfection. Ma mâchoire a triplé de volume, mon oreille s’est infectée et s’est mise à suppurer. Et le médecin ne voulait pas comprendre que j’avais mal et ne voulait pas me refiler des antibiotiques. Du coup, j’ai du gueuler et on m’a enfin prescrit des antibiotiques pendant trois semaines mais je n’avais pas d’anti-douleur. J’avais mal à me rouler par terre.

 

BDN : Tu n’as pas pu écrire de tout le mois d’août ?

F.E : Exactement, j’ai été shooté tout le mois d’août et il m’était impossible d’écrire pendant au moins trois semaines. À partir du 15 septembre environ, ça allait mieux. Et là j’ai pris quinze jours, où j’ai fait toute ma partie annotations, fins de recherches, squelette etc…

 

BDN : Et tes recherches justement, comment ça s’est passé ? Beaucoup avec l’aide d’Internet j’imagine ?

F.E : Alors, il y avait beaucoup de trucs que je savais en fait. Vu que j’ai fait tous les jeux plusieurs fois, j’ai pas mal d’heures de vol à mon actif. Beaucoup de documentation que j’avais lu, des interviews que Corentin avait réalisé, il y a très longtemps, et qu’il m’a donné. Beaucoup de lectures d’interviews également, où il a fallu trier le bullshit des vraies infos. Puis, fin septembre est venu le temps de passer à l’écriture proprement dite.

 

BDN : Donc octobre, novembre, écriture du livre ?

F.E : Ah non, octobre, novembre, décembre, janvier… (rires) J’avais un plan pour un livre sur un seul jeu. La plupart des livres de Third sont sur plusieurs jeux. Par exemple, sur Final Fantasy, il y a quelque chose d’unique à chaque jeu. Donc tu peux « broder » si tu veux ; 250 pages sur un Final Fantasy, tu auras toujours des interprétations, beaucoup de choses. Là, avec Skyrim, tu n’as pas d’interprétations possibles. Car tu as un Lore (un univers) qui existe depuis vingt ans. Où tu dois te conformer aux bonnes dates, aux personnages, aux bonnes histoires et où tu dois connaître ce truc là. Et c’est la que ça devient le merdier (rires). Parce qu’en lui même, si tu parles du gameplay d’un Elder scrolls, il n’y a pas de renouvellement, mis à part peut-être dans la construction de ton perso. Le gameplay d’un Elder Scrolls peut être assez limité. Du coup, la richesse de ton livre tu la trouves dans le Lore, dans les influences scénaristiques, dans les influences artistiques du jeu. Tu la trouves dans l’univers en lui même, plus que dans le gameplay contrairement à un Final Fantasy par exemple. Mais au final, ton FF, niveau storyline, il est assez pauvre. Parce que t’as un scénario, un début, une fin, des personnages. Tu peux analyser ces personnages et puis voilà. Tandis que là, quand tu parles de Ulfric Sombrage, Vice-Roi de Bordeciel qui a tué le haut-Roi et s’est proclamé haut-Roi, tu te questionnes : pourquoi le mec il a fait ça ? Et là, tu te rends compte que le gars, il a une histoire et que cette histoire te ramène à une guerre qui a eu lieu avant le jeu. Et pourquoi il y a eu cette guerre ? Et ça te ramène à une autre guerre qui a eu lieu entre Oblivion et Skyrim. Tout ça, il faut l’expliquer aux lecteurs. Donc du coup, j’ai commencé à écrire le livre par le Lore. C’est la plus grosse partie, 80 pages, quasiment la moitié du livre. À lire, ça peut être complexe et à écrire c’est dur. Très dur.

Du coup, avec tout ce travail, en décembre, je me suis effondré physiquement. Il faut dire que je suis un mec très nerveux, et j’avais tellement l’angoisse de ne pas finir le livre que j’en ai vomi tous les matins pendant trois mois. En décembre, en accord avec Third Editions j’ai pris une semaine puis quinze jours de repos et on a repoussé la date de sortie du livre. Il faut le dire, mais chez Third Editions, ils ont été aux petits soins pour moi et je les en remercie. Vers le 1er Janvier, j’avais repris l’écriture, il restait environ 50 pages à valider.

Mais à une semaine du bouclage, j’ai mon disque dur qui m’a lâché. Avec toutes mes notes et tous mes chapitres en écriture. Ayant oublié de faire des backup, j’ai perdu toutes mes notes de travail et les derniers chapitres que j’avais écrit. Environ une trentaine de pages. Et comme par hasard, c’était le vendredi 13 janvier. Je devais livrer toute la fin du livre pour le lundi 16 et j’ai perdu toute la fin du livre. En pleurs, je finis par envoyer un message à Mehdi lui expliquant la situation mais lui disant « tkt, je vais tout refaire ».

 

BDN : Mais c’était une malédiction, l’écriture de ce livre !

F.E : Totalement. Pour moi l’année 2016 s’est arrêtée quand j’ai envoyé le bouquin fini. C’est à dire mi-janvier (rires). Donc, pour la fin du livre, j’ai tout réécrit le plus vite que j’ai jamais écrit de ma vie. J’ai tout refait en une semaine. J’ai jamais eu autant d’énergie, je pétais la forme. J’ai fini le livre plus vite que tout ce que j’avais écrit pendant le mois de décembre. Une sorte d’énergie libératrice. Et le 27 janvier après toutes les relectures, c’était enfin fini.

 

BDN : Et alors la suite ? Le livre sur Morrowind ?

F.E : Pour l’instant je n’ai aucune idée de si on va écrire sur Morrowind. Actuellement, je n’ai pas vraiment envie de me remettre à écrire un livre. Third me harcèle pour en faire un nouveau sur une autre grande saga. Pour le moment j’hésite, mais des livres me tenteraient à faire. Comme un livre sur Soul Reaver par exemple.

 

BDN : J’aimerais finir sur un point plus personnel. Dans la préface, tu parles de ta vie, de la mort de ton père, c’est pas souvent qu’on voit ça dans un livre.

F.E : Je suis content que tu me poses la question. On ne m’a pas posé la question avant, j’ai l’impression que les gens n’osent pas. Je voulais faire un avant-propos ou j’expliquais aux lecteurs qui j’étais, d’où je venais et pourquoi cet attachement si particulier à la série des Elder Scrolls. Ce livre ferme une boucle en fait. Mon père est mort en 2003 ; un mois après, un pote m’a offert Morrowind en me disant « ça va te remonter un peu ». J’ai joué au jeu, je suis tombé dedans, j’ai fait 3500 heures en un an et demi. Pourquoi j’ai choisi les Elder Scrolls et pourquoi c’est ma série préférée ? Parce que je me suis perdu dedans, et que j’en suis revenu. Dans cette préface, j’explique aussi que oui, je n’ai pas forcément eu une vie facile, mais quelque part ce livre me sert à clore cette partie de ma vie.

Skyrim : Les parchemins de Tamriel Les différentes éditions de Skyrim : Les parchemins de Tamriel

L’heure du verdict

Après avoir fini le livre, il y a beaucoup de choses qui en ressortent. Tout d’abord, on sent que le travail de recherche est vraiment important. Vous apprendrez énormément de choses sur l’univers de The Elder Scrolls, sur la création de Bethesda, sur l’origine de Tamriel et de ses plus grands héros. Le style d’écriture peut sembler parfois académique mais tout se lit parfaitement bien. Vous serez conquis par le travail monumental fait par Franck Extanasié. C’est une lecture particulièrement enrichissante.
Un livre que recommande chaudement toute la rédaction de Bordel de Nerds, que vous soyez fan ou non de The Elder Scrolls. Rien que pour la dose de culture vidéo-ludique que vous y prendrez, vous serez conquis.

Merci à Franck Extanasié pour sa sympathie et à Third Editions de continuer à publier, plus que jamais, des ouvrages de grande qualité.